12 avril 2005

Littérature pour enfants

J'étais ce week-end à Nîmes sur l'invitation du Centre Gay et Lesbien pour participer à une rencontre autoure de "l'Homosexualité dans la littérature de jeunesse". Outre mon auguste personne, censée animer toute la rencontre, les autres invités étaient Muriel Douru, auteure de deux albums jeunesse"Dis Maman..S" et "Un mariage vraiment gai" et Cécile Bailly, auteure du "Paradis de Paco" un roman pour adolescents (disons 10-12 ans) parus tous trois aux éditions Gay et Lesbiennes.

Nîmes en soi est une très belle ville. Nous n'avons guère eut le temps de la visiter mais je connaissais un peu pour y être déjà allé une ou deux fois auparavant. Ce week-end-ci, il faisait un vent à décorner les taureaux et frigorifier les pauvres passants que nous étions. C'est pourquoi nous sommes vite allés nous réfugier au Forum dela Fnac où devait voir lieu la rencontre. C'est un lieu assez étrange, pas très grand (il devait y avoir une trentaine de place assises) mais surtout situé à l'entrée de la librairie dont il n'était séparé que par une paroi de verre coulissante. Nous étions donc forcément visibles, même si peu audibles depuis l'extérieur et malgré les micros qu'on nous avait proposés.

Mon intervention est demeurée somme toute assez classique. J'ai commencé par présenter le thème de la rencontre avant de dresser un rapide historique en évoquant l'Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon de Christian Bruel, paru aux éditions Le sourire qui mord en 1976, et aujourd'hui épuisé, puis en dressant une typologie des représentations de l'homosexualité dans la littérature de jeunesse évoquant trois grands groupes plus ou moins chronologiques. Dans le premier groupe se trouvent des"victimes" puisque l'amour homosexuel y apparaît nié parce que tu (ex Un papillon dans la peau de Virginie Lou, La danse du Coucou d'Aidan Chambers), puis dans ce même groupe on découvre que l'apparition de l'homosexualité est en relation étroite avec celle du Sida (Le cerf-volant brisé de Paula Fox, La nuit du concert de M. E. Kerr, Tout contre Léo de Christophe Honoré). Dans le second groupe se retrouvent des images récentes -i.e. depuis les années 2000 grosso modo- plus heureuses, d'acceptation et d'affirmation de soi tels Macaron Citron de Claire Mazard, le magnifique Frère de Ted Van Lieshout ou les lettres de mon petit frère de Chris Donner. Dans le dernier groupe enfin, j'évoquai des thèmes encore marginaux dans cette production naissante : l'amour entre filles (cf Macaron Citron mais aussi Côte d'Azur de Cathy Bernheim) et l'homoparentalité (Marius de Latifa Alaoui, Un coeur grand comme ça de Cordula Tollmien). Certes, il s'agissait là de quelques titres piochés et il en manque de nombreux autres mais ça me donnait un bon appui et une belle transition (terminant par l'homoparentalité) pour offrir ensuite la parole aux auteures.

Nous avons alors eu un échange passionnant où elles nous ont expliqué qu'elles tenaient à parler d'homoparentalité car c'était un sujet qui était très rarement traité dans la littérature de jeunesse alors que les familles homoparentales étaient elles de plus en plus nombreuses, et qu'elles ressentaient un manque. Pour autant trouver une maison d'édition n'avait pas été facile, loin de là, ces dernières se montrant encore très frileuses sur ces sujets de sociétés. Pourtant, nos auteures étaient d'accord pour affirmer qu'on peut parler de tout avec un enfant, le tout étant de bien faire attention à comment on le dit : d'abord, on ne parlera pas de la même façon à un tout-petit qu'à un jeune, de même, il sera plus facile de parler d'amour que de sexualité.

L'accueil d'une manière général a été très bon. Des parents allant trouver nos auteures dans les forums pour leur faire part de leurs anecdotes et de leurs satisfactions à la lecture de tels livres, Muriel Douru précisant même que certains offraient ces albums à destination des tout-petits à des jeunes bien plus âgés... Tous aimeraient qu'il y ait une meilleure pénétration de ces titres dans les bibliothèques, mais aussi et surtout dans les écoles et les collèges. Il faut rappeler que les documentalistes, lorsqu'ils sont ouverts à cette idée, ne savent pas quels titres acheter. Ils manquent d'information. Pendant un instant également, la discussion a dérivé vers la visibilité des éditions gay et lesbiennes, et l'opportunité de trouver des rayons gays dans les librairies.

Tous dans la salle et les auteurs étaient d'accord pour affirmer que de tels rayons étaient important pour pouvoir retrouver plus rapidement les ouvrages qu'on recherche, tant il est vrai qu'il est loin d'être facile de faire l'effort de déranger un vendeur. En bibliothèque, le problème est contourné : s'il n'existe pas de rayon "homo", tous les livres sont bien plus facilement identifiables puisqu'indexés par sujet dans le catalogue informatisé, ce qui permet encore un certain anonmat pour l'emprunteur. Pourtant, les Editions Gay et Lesbiennes ont eu des problèmes de distribution avec leur premier livre jeunesse, Dis Maman...S. Le fait de lire sur la couverture le nom des éditions ayant paru rebutant. C'est pourquoi, pour les livres suivant de leur collection, elles se sont contentés d'un logo placé en quatrième de couverture.

J'avais voulu également aborder le thème de la construction de l'identité adolescente à travers la lecture, notamment en citant les travaux de l'antropologue Michèle Petit, mais à dire vrai la discussion ne s'y est pas prêtée : nous parlions plus du point de vue de l'homoparentalité que de celui de la construction de soi, ce qui est logique au su des livres écrits par les invitées. Tant pis, ce sera pour une prochaine fois.

Je terminerais en citant différents liens où l'on peut trouver des informations sur l'homosexualité dans la littérature de jeunesse :