Il y a deux grands événements littéraires à ma connaissance annuels dans cette bonne ville de Chambéry : en octobre novembre se déroule un festival de bandes dessinées et en mai le festival du premier roman. J’ai une semaine de retard sur mon planning et les mails surpris, inquiets, furieux, indifférents de lecteurs de passages me l’ont bien fait sentir.
Une semaine certes, mais il m’a fallu d’abord me rendre deux jours aux rencontres Gael organisées par le Service Interuniversitaire de coopération documentaire 1 de Grenoble et peut-être reviendrais-je sur le sujet dans un post ultérieur car certaines interventions n’étaient pas inintéressantes. Les autres jours, c’est ce festival qui m’a occupé.
Je suis entré dans ce monde du Premier Roman par la petite porte. La bibliothèque universitaire organisait une rencontre ce jeudi avec deux auteurs : Pascal Morin, auteur de L’eau du bain paru aux éditions du Rouergue et Olga Lossky, auteure de Requiem pour un clou, paru aux éditions Gallimard. Je n’avais lu aucun livre, à peine étais-je tenu au courant de ce festival et de la venue de ces auteurs mais je tenais à y assister pour voir justement ce dont il s’agissait. Bien m’en a pris. Le dialogue avec les auteurs fut passionnant. Le livre de Pascal Morin raconte le retour d’un homme dans son village natal. Il est tout heureux de s’y retrouver mais très vite on lui fait comprendre qu’il n’y a toujours pas sa place. Dans ce pays, dans ce village, dans sa famille. Il prend alors la liberté de se refaire une place d’une façon à la fois très douce (dans l’écriture) et très violente (dans l’acte) : par le meurtre. Olga Lossky raconte, elle, deux histoires en parallèle, celle d’un enfant dans la Russie pré Stalinienne et celle d’un vieil homme vivant dans un appartement communautaire sous les années Staline justement. Le passage régulier d’une époque à une autre se fait par le biais d’un tableau. J’ai très sincèrement apprécié ce moment de littérature et la fraîcheur des écrivains. Leurs réponses claires, leurs envie d’écrire et leur plaisir de transmettre. Et puis, Pascal Morin avait un sourire on ne peut plus désarmant. Ce dernier m’a expliqué qu’il était très important pour un nouvel auteur de passer au festival de Chambéry et que nombre de grands auteurs étaient passés par là, au point que son éditrice qui avait mal lu était effondrée de croire qu’il n’avait pas été nommé puis enthousiasmé de découvrir que c’était finalement le cas. Cela m’a quelque peu surpris parce que je ne connaissais pas ce festival plus que cela et pas du tout avant de venir dans la région. Du coup, j’ai décidé d’assister aux autres manifestations du festival et je suis allé jeudi soir à une rencontre Auteurs/Lecteurs sise au Centre des Congrès. Il s’agissait d’une rapide interview, tantôt dialogue avec l’écrivain, tantôt monologue de la part du lecteur, des seize auteurs primés cette année, dont un espagnol et un écrivain. Ce fut encore un moment très agréable où nous avons pu découvrir des ouvrages qu’il ne me serait pas venu à l’esprit de feuilleter si d’aventure je les avais vu dans la devanture d’une librairie. A l’entracte, nous avons un peu discuté avec mes collègues également présentes –l’une d’entre elles a fait les mêmes études que moi – et avec M. Morin toujours aussi amusant et agréable. Ce monsieur nous racontait comment depuis qu’il faisait des festivals et autres séances de promotions, les gens le regardaient avec un regard en coin et lui demandaient quelle part d’autobiographie son roman comprenait. Déjà le matin, une vieille dame avait exprimé son malaise à la lecture d’un tel ouvrage où meurt en premier le grand-père. Et l’auteur de nous raconter que certaines gens le croyaient vraiment un assassin en puissance. En fait, ce fut là un fait marquant de la rencontre dans son ensemble et de cette soirée en particulier : les auteurs n’ont eu de cesse de répéter qu’ils n’étaient pas leurs personnages, qu’ils avaient tout imaginé, et que non, Faïza Guenne n’avait pas été abandonnée par son père, non Catherine Locandro n’était pas une prostituée, non Pascal Morin n’était pas un assassin et non, les CRS n’attendaient pas à la sortie du Centre des Congrès pour le ramener en prison. Et ainsi pendant trois jours. Les auteurs sont allés de tables en tables, de présentations en présentations, de séances de dédicaces en repas avec les Comités de lecture qui se sont constitué dans toute la ville, dans les cafés, les lycées, les collèges, la BU bien sûr… Jusqu’au samedi où se tenait la cérémonie de clôture. Chambéry est fière de la résidence de Jean-Jacques Rousseau dans ses terres. Sur l’insistance de Mme de Warens, qu’il appelait « maman », il séjourna plusieurs années aux Charmettes . C’est donc dans ce cadre privilégié que s’est déroulé la cérémonie de clôture. Chaque auteur a eu la joie de recevoir les œuvres de ses co-nominés. Nous avons pu passer ensuite un peu de temps avec les auteurs et sommes restés, Xavier et moi à leurs côtés jusqu’à leur train, le soir. Nous en avons néanmoins profité pour visiter les Charmettes, une partie du jardin de Jean-Jacques, sa maison, sa chambre avec l’alcove pour les domestiques et celle de Mme de Warins… On sentait que le festival touchait à sa fin. Les auteurs étaient terrassés de fatigue après leur marathon de trois jours à travers la ville et son agglomération. Tous se lâchaient, racontaient des bêtises, riaient et profitaient des derniers moments mi énervés mi zombies en espérant plus qu’une chose : pouvoir enfin rentrer chez eux. Et ce ne fut pas simple. Le bus qui devait ramener tout ce petit monde à la gare s’est d’abord retrouvé coincé par l’étroitesse de la route, puis le train annoncé et venant de Milan avait une heure de retard. Nous sommes allés boire un café tous ensemble et l’heure tournant sommes retournés à la gare pour découvrir que l’heure s’était muée en heure et demie. Remarquez, la situation ne manquait pas de piquants, ni d’absurde : six écrivains en cercle dans un hall de gare à moitié vide avec pour seuls vivre deux cartons de fromages rapportés par Faïza et son amie se racontant des histoires de blondes pour faire passer le temps… Le train partit à 21h30 finalement et il fut temps pour nous de rentrer à la maison, également fatigués. Cette expérience m’a redonné envie de lire et je me suis permis d’acheter quelques uns des titres présentés et de me les faire dédicacer sur l’insistance de Xavier. Je les lirai progressivement, nous avons tout le temps. L’année prochaine, peut-être intégrerais-je le festival pourquoi pas ? Dans le comité de lecture de la BU. Ce pourrait être une façon de voir comment tout cela se déroule. Bises, Thomas.